Exemple complet de commentaire composé Dom Juan, Molière – La scène du Pauvre (Acte III, scène 2)
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Dom Juan, Molière – La scène du Pauvre (Acte III, scène 2)
On a souvent l’impression que le commentaire composé est une montagne : des mots savants, des plans compliqués, une problématique qui “sonne bien”. Pourtant, tout part d’une chose simple : un texte précis, une scène précise, et une question honnête qu’on se pose à son sujet. La scène du Pauvre dans Dom Juan est parfaite pour ça. Elle est courte, lisible, très forte… et elle concentre presque tout ce qu’on reproche au héros de Molière.
Cet article te propose un exemple complet de commentaire composé sur cette scène, mais avec un fil rouge : te montrer comment le texte respire, comment on peut le lire avec bon sens, puis seulement ensuite mettre de l’ordre dans les idées. Tu peux t’en servir comme modèle, comme entraînement, ou comme fiche d’inspiration pour ton propre devoir.
1. Une scène minuscule… mais un révélateur géant
Nous sommes au Acte III, scène 2. Dom Juan n’est plus dans les salons ni dans les palais, mais en fuite, dans un bois. Là, il rencontre un pauvre qui prie Dieu et lui demande l’aumône. La situation pourrait être banale : un riche croise un misérable. Mais Molière en fait un moment de vérité.
Dom Juan ne se contente pas de refuser de l’aider. Il va plus loin : il propose au pauvre une somme d’argent s’il accepte de blasphémer, autrement dit de renier Dieu. La scène tient en peu de répliques, mais elle raconte énormément de choses :
- sur Dom Juan, son cynisme, son rapport à l’argent, à la foi, au pouvoir ;
- sur le pauvre, sa misère, sa dignité, sa foi inébranlable ;
- et sur la vision du monde que Molière veut faire passer.
C’est exactement ce que le commentaire composé va chercher à mettre en lumière : que fait ce texte ? à travers qui ? avec quels moyens ? dans quel but ?
2. Regarder la scène avec des yeux de lecteur, avant de faire “comme au bac”
Avant d’ouvrir ton brouillon et de parler de plan, prends cette scène comme un spectateur. Pose-toi des questions très simples, presque naïves :
- Qu’est-ce qui me choque le plus ?
- Qui me touche le plus : Dom Juan ou le pauvre ?
- Est-ce que je me sens plus en colère, plus triste, ou plus admiratif ?
La plupart des élèves sentent instinctivement deux choses :
- Le malaise devant Dom Juan qui joue avec la faim et la foi d’un homme.
- Le respect pour ce pauvre qui reste fidèle à Dieu alors qu’il n’a presque rien.
Ces deux impressions sont déjà ton trésor : ce sont elles que le commentaire va organiser. L’exercice ne va pas contre ton ressenti ; il t’aide à le structurer, à le nommer, et à le justifier avec le texte.
3. Une problématique possible, claire et honnête
Pour un commentaire, on ne te demande pas une phrase de philosophe, on te demande une question précise. Par exemple :
En quoi la scène du Pauvre met-elle en lumière le cynisme de Dom Juan tout en exaltant la dignité d’un personnage humble ?
Tu peux aussi formuler :
Comment Molière oppose-t-il la violence morale de Dom Juan à la foi inébranlable du pauvre ?
Dans les deux cas, l’idée est la même :
- on va parler d’opposition,
- on va parler de cynisme d’un côté, de dignité / foi de l’autre,
- et on va montrer comment cette opposition est construite par la scène.
Une fois cette question écrite en haut de ton brouillon, tu as déjà la boussole du devoir.
4. Un exemple de plan “suffisamment bon”
Inutile de chercher l’originalité à tout prix. On veut un plan logique, qui suit la progression de la scène et qui répond à la problématique. Par exemple :
- I. Une rencontre qui installe un contraste social et moral
- II. Une épreuve cynique : l’argent contre la foi
- III. La dignité du pauvre, plus forte que la puissance de Dom Juan
Ces trois axes te permettent :
- d’abord de montrer le choc des deux personnages au moment de la rencontre ;
- ensuite de détailler le “marché” blasphématoire proposé par Dom Juan ;
- enfin de mettre en valeur le refus héroïque du pauvre.
Ce n’est pas un plan “grandiose”. C’est un plan qui tient debout. Et c’est exactement ce qu’un correcteur attend.
5. Zoom sur les axes : comment les remplir concrètement ?
I. Une rencontre qui installe un contraste social et moral
Dans cette première partie, tu montres que dès le début du dialogue, tout oppose les deux personnages.
Tu peux souligner :
- La différence de condition :
Dom Juan est un seigneur, libre de ses mouvements, sûr de lui ; le pauvre, lui, est dépendant de l’aumône, il prie, il demande. - La différence de ton :
Le pauvre parle avec simplicité, parfois avec une forme de timidité. Dom Juan, au contraire, pose des questions, guide la conversation, comme s’il jouait une petite scène pour lui seul. - La différence d’attitude intérieure :
Le pauvre est tourné vers Dieu, il prie malgré sa faim ; Dom Juan est tourné vers lui-même, vers son plaisir de provoquer.
Un paragraphe type pourrait ressembler à ceci :
Dès les premières répliques, Molière installe un contraste net entre les personnages. Le pauvre se présente par sa détresse matérielle et sa prière, ce qui souligne sa dépendance et sa foi. En face, Dom Juan intervient avec autorité : il interroge, il relance, il dirige la parole. Ce déséquilibre dans le dialogue traduit un déséquilibre plus profond : l’un cherche à survivre, l’autre se permet d’observer, presque comme un spectateur amusé, la misère de son interlocuteur. La scène pose ainsi, d’emblée, une opposition entre faiblesse sociale et puissance arrogante.
Tu remarques la recette : idée → éléments précis → conclusion sur le sens.
II. Une épreuve cynique : l’argent contre la foi
Ici, tu entres dans le cœur du scandale : Dom Juan propose un marché. Il offre de l’argent si le pauvre accepte de blasphémer.
Ce que tu peux montrer :
- Le marché comme jeu cruel :
Dom Juan se comporte comme s’il testait un jouet. Il “tente” le pauvre, il pousse, il observe. - L’argent comme arme :
Pour quelqu’un qui a faim, quelques pièces représentent beaucoup. Dom Juan le sait et s’en sert pour essayer de faire plier sa conscience. - Un libertinage qui franchit un cap :
Il ne se contente plus de ne pas croire ; il veut entraîner l’autre dans sa révolte, comme si la seule foi qu’il supportait était celle qu’il réussit à détruire.
Un autre paragraphe possible :
Lorsque Dom Juan propose au pauvre de renier Dieu contre de l’argent, la scène bascule. Le libertin ne se contente pas d’ignorer la religion : il transforme la misère de l’autre en terrain d’expérimentation. L’argent qu’il offre n’est pas un geste de charité, mais une arme : il mesure combien la faim pourrait faire plier un homme. Cette proposition de blasphème, présentée sur le ton d’un marché, révèle ainsi une cruauté morale profonde. Aux yeux du spectateur, Dom Juan n’est pas seulement un séducteur ou un joueur ; il devient un homme prêt à acheter l’âme d’un pauvre pour son seul plaisir de provoquer.
On voit bien comment l’analyse ne se limite pas au “quoi” mais touche au “pourquoi” et au “ce que cela signifie”.
III. La dignité du pauvre, plus forte que la puissance de Dom Juan
Dernier temps du commentaire : il s’agit de montrer que la scène ne se résume pas à la victoire de Dom Juan. C’est même presque l’inverse.
Tu peux insister sur :
- Le refus net du pauvre :
Malgré sa misère, il refuse de blasphémer. Il met en avant sa conscience, sa foi, sa fidélité. - La force d’une foi silencieuse :
Le pauvre n’a ni armes, ni statut, ni argent. Mais il a quelque chose que Dom Juan n’a pas : une cohérence intérieure. - Le renversement de valeurs :
Au départ, Dom Juan semble supérieur en tout. À la fin, c’est lui qui apparaît moralement dégradé, tandis que le pauvre, lui, sort grandi.
Un paragraphe de synthèse pourrait être :
Le plus frappant est sans doute la réponse du pauvre. Alors que tout le pousse à accepter – la faim, la misère, l’absence de ressources – il refuse catégoriquement de renier Dieu. Ce “non” simple mais inflexible donne au personnage une grandeur inattendue. Sans le moindre discours théologique, sans long développement, il oppose à Dom Juan une force morale que l’argent ne peut acheter. Aux yeux du lecteur, la hiérarchie sociale s’inverse : le noble seigneur apparaît comme un homme vide, tandis que le mendiant révèle une richesse intérieure. Molière fait ainsi de cette courte scène une leçon silencieuse sur la valeur de la foi et de la conscience.
C’est cette inversion qui donne au passage sa puissance tragique et morale.
6. Un modèle d’introduction qui tient la route
Tu peux t’inspirer d’une introduction comme celle-ci :
Au XVIIᵉ siècle, Molière choque et fascine le public avec Dom Juan, pièce qui met en scène un grand seigneur libertin, séducteur et irrespectueux des lois humaines comme divines. Au troisième acte, alors qu’il fuit après ses scandales, Dom Juan rencontre dans un bois un pauvre qui prie Dieu et lui demande l’aumône. Loin de lui venir en aide, il lui propose de renier Dieu contre une somme d’argent. On peut se demander en quoi cette scène du Pauvre met en lumière le cynisme de Dom Juan tout en exaltant la dignité d’un personnage humble. On verra d’abord comment la rencontre installe un contraste social et moral saisissant, puis comment l’épreuve imposée par Dom Juan révèle un cynisme glaçant, avant de montrer que le refus du pauvre lui confère une véritable grandeur morale.
Tu retrouves les quatre éléments essentiels :
- le contexte (auteur, œuvre, siècle, situation) ;
- la présentation rapide de la scène ;
- la problématique ;
- l’annonce du plan.
7. Une conclusion qui ferme la porte sans tout répéter
Pour la conclusion, il ne s’agit pas de réciter ton plan, mais de rappeler l’essentiel et d’ouvrir un peu la perspective :
La scène du Pauvre concentre ainsi, en quelques répliques, tout le scandale moral de Dom Juan. En jouant avec la faim et la foi d’un homme misérable, le héros révèle un cynisme qui dépasse le simple libertinage mondain. Face à lui, le pauvre incarne une force tranquille : il préfère la misère à la trahison de ses convictions. Molière transforme donc une rencontre en apparence anodine en un véritable révélateur de valeurs, qui annonce la chute du libertin et invite le spectateur à s’interroger sur la responsabilité des puissants devant les plus fragiles.
Tu refermes ainsi ton commentaire sur une idée forte, qui dépasse la seule scène.
8. Ce qu’il faut retenir pour ton propre commentaire
Si tu devais garder trois idées après cet exemple sur la scène du Pauvre, ce seraient celles-ci :
- Partir de ce que tu ressens vraiment : malaise, admiration, colère… puis le traduire en termes d’opposition, de contraste, de critique.
- Bâtir un plan simple et logique : contraste au début, épreuve au centre, retournement ou portée finale.
- Toujours appliquer la triade : une idée claire → une citation précise → une explication qui montre l’effet et le sens.
Le commentaire composé n’est pas un concours de phrases compliquées. C’est une manière de penser à voix haute avec un texte, en gardant ton intelligence, ta sensibilité, et un peu de méthode. Sur la scène du Pauvre, tu as tout ce qu’il faut pour t’entraîner à cet exercice.







