Commentaire composé — Dom Juan de Molière + modèle prêt à remplir
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Méthode claire, exemple guidé, et bases solides pour réussir ensuite
On lit Dom Juan comme on s’approche d’un personnage qui nous regarde fixement. Il charme, scandalise, fait rire, et finit par se consumer sous le poids de sa propre logique. Un bon commentaire composé ne raconte pas l’histoire ; il écoute le texte travailler. Il vérifie comment Molière fabrique le libertinage à coups de répliques vives, d’images, de renversements comiques, et de silences éloquents. Ce guide vous installe sur de bonnes bases : d’abord la méthode, ensuite un exemple entièrement rédigé, enfin des prolongements pour aller plus loin sans perdre la voix du texte.
1) Partir sur de bonnes bases
Avant toute analyse, il faut poser le théâtre dans sa lumière. Dom Juan (1665) est une comédie en cinq actes, jouée en prose, qui croise la farce et le tragique. Dom Juan est libertin : il défie l’ordre moral, religieux et social, par goût du désir et par culte de la liberté individuelle. Autour de lui, Sganarelle commente, sermonne, tremble et nous sert d’antenne comique. La pièce s’organise en épreuves : conquêtes bâclées, père offensé, pauvre humilié, statue invitée à souper. À chaque étape, des mots frappent comme des gestes : c’est là que commence le travail du commentaire.
Lire, c’est déjà trier. On repère qui parle, à qui, pourquoi, et avec quelle énergie. On chasse les champs lexicaux (désir, devoir, peur, châtiment), on note les procédés (hyperboles, antithèses, stichomythies, apartés), on regarde les didascalies visibles ou implicites (entrées précipitées, interruptions). On reformule ensuite l’enjeu : que fabrique exactement cet extrait ? Une admiration honteuse ? Un rire nerveux ? Une critique frontale ? C’est de cette tension que naît votre problématique.
2) La méthode, concrète et utilisable
Un commentaire composé s’écrit comme on déplie un mécanisme. Chaque étape a sa raison d’être, et chacune accueille quelques lignes vivantes avant d’aligner des preuves.
Introduction. On situe brièvement l’œuvre, l’extrait, le mouvement de la pièce à ce moment-là, puis on formule une question qui ressemble à une vraie curiosité : « Comment Molière parvient-il à faire du portrait de Dom Juan un rire inquiet ? ». On annonce un plan en deux ou trois parties, sans lourdeur, comme un chemin que l’on s’apprête à prendre.
Développement. On avance par axes lisibles. Chaque axe commence par une idée directrice (une phrase pleine) : elle dit ce que le texte fait, pas ce que vous allez faire. Puis viennent les preuves : citations brèves et précises, relevés stylistiques, observation du rythme ou des échanges. On commente toujours après avoir cité : un mot relevé n’explique rien s’il n’est pas interprété. On ménage des transitions qui ressemblent à des pas : elles referment un volet et ouvrent le suivant.
Conclusion. Elle ramasse l’effet produit par l’extrait et le replace dans la trajectoire de la pièce. Une ouverture légère peut pointer vers une autre scène (le pauvre, Dom Louis, le Commandeur) ou vers un enjeu esthétique (le mélange des tons, la satire de l’hypocrisie).
Boîte à outils. Avant d’énumérer, on rappelle l’esprit : ces outils servent à éclairer l’effet, pas à remplir des cases.
– Les registres (comique, satirique, pathétique, tragique) nuancent la couleur des répliques.
– Les procédés (antithèse, hyperbole, anaphore, métaphore, pointe) dessinent la pression du langage.
– Le théâtre parle par le rythme : tirades, réparties courtes, interruptions, apartés.
– La scène a toujours un enjeu : convaincre, séduire, intimider, démasquer.
3) Exemple guidé (rédigé) : Acte I, scène 2 — Le portrait de Dom Juan par Sganarelle
Contexte. La pièce s’ouvre et Sganarelle brosse, devant Gusman, un portrait au vitriol de son maître : « un grand seigneur méchant homme ». Cette formule claque comme un verdict et propose d’emblée la contradiction qui fera toute la pièce : la grandeur sociale et la bassesse morale marchent ensemble. Notre question sera simple et exigeante : comment Molière fait-il du portrait initial un rire qui inquiète déjà ?
I. Un réquisitoire comique qui frappe net
L’attaque de Sganarelle a la vigueur d’un pamphlet et la fantaisie d’une farce. On rit parce que l’outrance soulage la peur : les hyperboles foisonnent, les accumulations écument les vices (inconstance, impiété, appétit de conquêtes), les images « grossissantes » transforment Dom Juan en machine désirante. Chaque terme est pesé pour piquer : « grand seigneur » pose l’éclat social, « méchant homme » le trou moral. L’antithèse ne réclame pas de commentaire savant : elle fait sentir l’écart. Et le comique naît de cette combinaison : par la bouche d’un valet, la société des honneurs est retournée comme un gant.
Ce rire n’est pas décoratif : il est une arme. Au lieu d’un sermon pontifiant, Molière choisit la verve. Le valet part au galop, change de tempo, lance des pointes. Le public reconnaît une musique de foire et entend déjà la gravité derrière la fanfare.
Transition
Le portrait amuse parce qu’il charge, mais il inquiète parce qu’il convainc. Une fois la cible fixée, la scène dévoile un autre levier : le théâtre du langage.
II. Le langage comme scène : dominer, c’est parler plus vite et plus fort
Même absent, Dom Juan parle par procuration. Sganarelle mime sa logique : séduire, jeter, repartir. La syntaxe saccadée installe un mouvement ; les verbes d’action entrent en rafales ; les modalisateurs (« il faut », « je veux ») dessinent une souveraineté de commande. La parole du maître est une stratégie : flatter pour approcher, promettre pour capturer, oublier pour s’éloigner.
Le comique se fait miroir : quand le valet joue au moraliste, il déborde, il moralise trop, et c’est drôle parce que le sermon, excessif, ressemble à ce qu’il critique. Le spectateur pressent que la pièce ne cessera d’exhiber ces masques : parler, c’est déjà tromper un peu. Chez Molière, la rhétorique est un accessoire aussi tranchant qu’une épée.
Transition
Du portrait-charge et du théâtre de la parole, on glisse vers un troisième effet, plus discret : la gravité pointe derrière la fête.
III. Une gaieté sous tension : le tragique en filigrane
L’énergie du comique n’efface pas l’ombre. Le propos moral de Sganarelle convoque une idée de châtiment ; il y a, sous la grimace, une inquiétude religieuse. Le valet n’argumente pas seulement pour amuser Gusman : il se rassure. Sa peur d’être entraîné trop loin par son maître glisse dans le tissu de la tirade. En plaçant un tel portrait en ouverture, Molière scelle un pacte avec la salle : on rira beaucoup, mais l’on ne se taira pas lorsque la statue répondra.
L’ambiguïté est assumée : l’excès fait rire, la logique de l’excès fait trembler. On sort de la scène avec l’impression que l’on connaît déjà Dom Juan ; en vérité, on a surtout appris que le langage sait maquiller le péril.

Conclusion de l’exemple
Cet incipit scénique fixe une boussole : Dom Juan sera la comédie d’une contradiction, grandeur affichée et morale trouée, et la pièce en explorera les conséquences jusqu’à l’affrontement surnaturel. L’ouverture énonce la tonalité mêlée, coordonne le rire et la censure, et installe Sganarelle en vigie inquiète. Le reste de la pièce ne fera que prouver, par épisodes, la justesse insolente du premier portrait.
4) Écrire votre propre commentaire : gestes simples, effets nets
On gagne du temps en installant une voix claire. On écrit des phrases pleines, on évite les annonces métatextuelles (« Dans un premier temps… ») qui affadissent le propos. On choisit des citations brèves, on les glisse dans la phrase, on les commente aussitôt : un mot est analysé, jamais laissé seul. On varie les angles : un passage par le rythme, un autre par l’image, un dernier par la visée (séduire, menacer, confondre). On termine chaque sous-partie par une phrase-bilan qui répond à la problématique.
Pour d’autres scènes, la logique demeure identique, mais l’effet visé se déplace. On peut, par exemple, lire la scène du Pauvre (III,1) comme une épreuve morale sèche, où l’aumône refusée fait entendre l’arrogance nue ; on peut lire Monsieur Dimanche (IV,3) comme une chorégraphie d’hypocrisie, où Dom Juan paie en paroles et congédie en sourire. À chaque fois, on pose la question dramatique, on suit le fil des procédés, on mesure l’effet sur le spectateur.
5) Problématiques prêtes à l’emploi (à reformuler dans votre style)
Avant de lister, précisons l’intention : une problématique n’est pas un thème, c’est une interrogation active sur la manière dont le texte produit son effet.
– Comment le portrait inaugural fait-il coexister l’éclat du personnage et l’alarme morale ?
– En quoi la scène du Pauvre transforme-t-elle l’argument religieux en test de théâtre ?
– Comment la scène de Monsieur Dimanche révèle-t-elle l’hypocrisie comme art du temps et du langage ?
6) Conclusion générale : tenir la flamme critique
Un bon commentaire de Dom Juan garde deux fidélités : au texte, d’abord, qu’il suit au plus près, ligne après ligne ; au théâtre, ensuite, qu’il honore en pensant la scène comme une action vivante, pas comme un musée de procédés. On laisse donc les paragraphes respirer, on parle à hauteur d’œil, on accueille le mélange des tons sans vouloir le simplifier. Dom Juan séduit parce qu’il invente sa liberté et il tombe parce qu’il en fait un absolu. Entre les deux, Molière nous confie une responsabilité : rire, oui, mais ne pas se laisser endormir par le brillant des mots. Si votre commentaire transmet cela, alors il a déjà trouvé sa vérité.
Dom Juan : modèle de commentaire composé (prêt à remplir)

Ci-après un mode d’emploi simple et efficace pour tirer le maximum du Modèle — Commentaire Composé que vous venez de télécharger.
1) Démarrer : remplir l’en-tête en 3 minutes
Avant les procédés et l’analyse, posez le cadre. Écrivez une ou deux phrases courtes pour vous mettre en mouvement, puis complétez le tableau d’identification.
- Commencez par Nom/Classe, Professeur, Date et Œuvre/Auteur.
- Renseignez Siècle/Mouvement (ex. « XVIIe, classicisme ») et Extrait (« Acte I, scène 2 »).
- Formulez une problématique en une phrase nette (ex. « Comment l’ouverture transforme-t-elle le portrait en rire inquiet ? »).
- Ajoutez 3–5 mots-clés (ex. « antithèse, satire, rythme, libertinage, menace »).
Astuce : si vous hésitez pour la problématique, reformulez-la sous la forme « Comment + verbe d’action du texte + effet ? ».
2) L’introduction : une voix claire, un plan vivant
Écrivez un paragraphe d’intro avant de lister quoi que ce soit. Parlez au lecteur, puis placez les éléments attendus.
- Situez l’œuvre en 2–3 lignes (contexte, forme, enjeu).
- Présentez l’extrait : qui parle, à qui, où dans l’intrigue.
- Posez votre problématique (copiez celle du tableau).
- Annoncez un plan en effets (pas “partie 1/2/3” mais « d’abord… ensuite… enfin… »).
Exemple de phrase d’annonce :
« Nous verrons d’abord comment la charge comique installe la contradiction, puis comment le théâtre du langage dessine une domination, avant d’observer la gravité qui affleure sous la gaieté. »
3) Le plan express (encart “Plan”) : écrire vos trois idées-phrases
Dans l’encart “Plan (bref)”, transformez vos axes en phrases pleines.
Ex.
I) L’ouverture frappe par un réquisitoire comique qui retourne la grandeur sociale.
II) Le langage mimé par Sganarelle révèle une stratégie de domination.
III) Sous la verve, la menace morale s’installe déjà.
4) Rédiger chaque axe : le “mini-mouvement” en 4 gestes
Entrez dans le I), II), III). Chaque sous-partie suit la même respiration.
- Idée directrice (1–2 phrases)
Dites ce que fait le texte : « La formule “grand seigneur méchant homme” condense la contradiction, et la tirade l’amplifie. » - Preuves (citations brèves)
Intégrez 3 à 5 citations de 3–10 mots, immédiatement commentées.
Modèle de phrase : « L’antithèse “grand…/méchant…” renverse l’échelle sociale : le rang n’absout pas la bassesse. » - Analyse
Expliquez comment ça produit l’effet : figure, rythme, interaction, sous-entendu scénique.
Modèle : « L’accumulation et les hyperboles (“…”) donnent à la charge un élan de farce ; ce relief comique vise moins à divertir qu’à désacraliser le héros. » - Bilan + transition
Fermez en répondant partiellement à la problématique, puis ouvrez vers l’axe suivant.
Modèle : « Si le rire dégonfle l’aura du séducteur, il prépare surtout l’écoute d’une parole qui impose : la scène suivante montre comment Dom Juan domine en parlant. »
5) Utiliser la table “Citations brèves”
Avant d’écrire le développement, remplissez la table pour pré-sélectionner vos appuis.
- Colonne 1 : la citation courte (ex. « grand seigneur méchant homme »).
- Colonne 2 : l’effet/usage (ex. « antithèse : prestige social vs faute morale »).
Cette pré-sélection vous évite les citations trop longues et vous force à commenter chaque mot relevé.
6) L’encart “Outils d’analyse” : vos relevés ciblés
Écrivez vraiment dedans : champs lexicaux, figures, rythme, enjeux. Quand vous rédigerez, remontez ces relevés dans les paragraphes, un par un, avec un verbe d’analyse : accentue, déplace, contredit, annonce, démasque, prépare, renverse…
7) La conclusion : refermer et élargir
Un court paragraphe suffit.
- Réponse nette à la problématique (en une phrase).
- Ouverture sobre : une autre scène, un motif (hypocrisie, châtiment), un registre (comique/tragique), ou un écho dans l’œuvre.
8) La check-list de relecture : 60 secondes utiles
Passez les cases en revue après la conclusion. Cochez « Problématique claire », « Citations courtes et intégrées », « Transitions présentes », « Orthographe relue ». Cette minute gagne des points.
9) S’en servir en conditions d’examen (1h30 à 2h)
- 0–10 min : en-tête + table de citations + problématique.
- 10–20 min : encart “Plan” + idée-phrase par axe.
- 20–70 min : rédaction I/II/III (gardez le même gabarit).
- 70–80 min : introduction + conclusion.
- 80–90 min : check-list + corrections rapides.
10) Exemple de remplissage rapide (Dom Juan, I,2)
- Problématique : Comment le portrait inaugural fait-il rire tout en installant l’inquiétude morale ?
- Citations brèves : « grand seigneur méchant homme » / « il change de maîtresse » / « impies » / « je veux »
- Plan (bref) :
I) Réquisitoire comique : la grandeur retournée
II) Stratégie de langage : une domination par la parole
III) Gravité sous la verve : annonce du châtiment
Une fois cela posé, déroulez vos axes en suivant les 4 gestes (idée, preuves, analyse, bilan).
11) Éviter les pièges fréquents
Avant de corriger des détails, fixez les grandes erreurs à ne pas commettre.
- Récit à la place d’analyse : on ne “raconte” pas la scène, on montre comment elle agit.
- Citations trop longues : coupez à 3–10 mots et commentez tout de suite.
- Plan thématique (« le comique / le tragique ») sans idée-phrase : reformulez en effet précis.
- Procédés en liste : un procédé = un effet. Sans effet, c’est décoratif.
12) Personnaliser le modèle (facultatif)
- Vous pouvez dupliquer le bloc “Développement III” si vous préférez un plan en deux parties + sous-parties.
- Pour une version “ruban vertical” (marge colorée avec pictos), dites-moi votre palette (ex. émeraude/ardoise) et je vous livre la variante prête à l’emploi.
- Le barème en fin de fichier peut être adapté (ex. 6 pts analyse, 6 pts citations/justesse, 4 pts langue, 4 pts structure).








