L’euphémisme : Définition, Origine et Exemple – Tous les cas particuliers de cette figure de style
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L’euphémisme est une figure de style qui se trouve partout dans la langue – orale et écrite – et dans la littérature française. La mission de l’euphémisme est l’art de rendre moins dur ou moins choquant ce qui est moins plaisant ou plus brutal de façon plus douce, plus enjouée et moins directe. Cet article part d’une introduction et explore l’origine, les fonctions, les types, les distinctions, des exemples littéraires, un aperçu actuel du style et des exercices pratiques.
1. Définition et origine
1.1 Définition
Un euphémisme est une atténuation verbale : on remplace un terme jugé trop fort, direct ou offensant par une expression plus neutre ou plus douce. Exemples typiques :
- Dire « il nous a quittés » au lieu de « il est mort ».
- Employer « faire ses besoins » au lieu de « uriner/déféquer ».
1.2 Origine étymologique
Le mot vient du grec euphêmismos, lui-même dérivé de eu- (bien) et phêmi (dire). Littéralement, l’euphémisme vise à « bien parler », éviter la brutalité ou la négativité de certaines réalités.
2. Fonctions de l’euphémisme
2.1 Atténuer la douleur ou le choc
Dire « il est parti » au lieu de « il est mort » permet de ménager la sensibilité de l’auditoire, surtout dans des contextes sensibles.
2.2 Respecter le tabou ou la bienséance
Les sujets tels que la mort, la maladie, les fonctions corporelles, ou la sexualité, sont systématiquement euphémisés pour préserver la décence et les convenances.
2.3 Exprimer la politesse et éviter la maladresse
Remplacer « tu es laid » par « tu as un visage… original » permet de désamorcer une critique blessante.
2.4 Créer un effet stylistique ou ironique
À l’instar de la litote, l’euphémisme peut aussi créer un effet littéraire orné ou une ironie fine chez des auteurs classiques comme Molière ou Voltaire.
3. Types d’euphémismes
3.1 Euphémisme de substitution
Un terme remplace un autre plus offensant ou direct :
- « Personne de petite vertu » pour « prostituée ».
- « Avoir un coup dans le nez » pour « être ivre ».
3.2 Euphémisme par métonymie ou périphrase
On utilise une expression pour désigner la réalité de manière indirecte :
- « Le grand sommeil » pour la mort.
- « Les choses naturelles » pour les besoins naturels.
3.3 Euphémisme camouflé en expressions figées
Certaines tournures sont devenues des clichés linguistiques soft :
- « Passer l’arme à gauche ».
- « Partir à l’autre bout du monde » pour désigner le décès de quelqu’un en voyage.
4. Euphémisme vs. figures voisines
4.1 Euphémisme vs. litote
- Euphémisme : atténuation pour adoucir, masquer un choc.
- Litote : atténuation pour suggérer plus, jouer sur la retenue expressive (ex. : « Il n’est pas très malin » veut dire « Il est bête »).
4.2 Euphémisme vs. périphrase
- Périphrase : remplace un mot par un groupe de mots, sans nécessairement atténuer (ex. : « la Ville Lumière » pour Paris).
- L’euphémisme peut être une périphrase, mais son but spécifique est l’atténuation.
5. Exemples dans la littérature
5.1 Molière, Le Malade imaginaire
« Il est allé au séjour des ombres »
L’euphémisme évoque la mort sans nommer directement le trépas.
5.2 Victor Hugo, Les Misérables
Jean Valjean est présenté comme « un homme de bien », atténuant son passé de forçat.
5.3 Albert Camus, L’Étranger
« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut‑être hier. »
Camus atténue la douleur par une neutralité presque clinique.
5.4 Autres auteurs
- Balzac : « Il s’est donné la mort » pour « il s’est suicidé ».
- Proust, Flaubert, parfois utilisent l’euphémisme pour créer un effet de contraste, de pudeur.
6. L’euphémisme aujourd’hui
6.1 Usage courant
Dans la vie de tous les jours (médias, discours politiques, famille), on entend souvent :
- « Disparu » pour décédé.
- « Situation précaire » pour avarice ou pauvreté.
- « Expulsion de personnes » pour déportation ou exil.
6.2 Influence des médias et du marketing
Les annonces immobilières, la publicité ou la politique sont riches en euphémismes :
- « Redéfinition de personnel » pour « licenciements ».
- « Nettoyage social » pour exactions ou expulsion.
7. Usage stylistique : analyse et critiques
7.1 Approche rhétorique
Les discours formels et politiques utilisent l’euphémisme pour éviter le spectaculaire, créer des distances émotionnelles.
7.2 Limites
- Risque de minimiser la gravité d’une situation (ex. : « collatéral » pour victimes civiles).
- Danger de manipulation (ambigüité volontaire pour masquer la réalité).
7.3 Réaction critique
Des penseurs comme Orwell dénoncent l’« euphémisme politique » (novlangue) comme outil de domination.
8. Exercices pratiques
8.1 Reconnaître et identifier
Donnez des phrases avec des euphémismes et demandez de les repérer puis les expliquer.
8.2 Transformer
Prenez un texte explicite (journal, reportage) et remplacez les termes crus par des euphémismes adaptés.
8.3 Écrire un discours
Rédigez un discours officiel, funéraire, politique, en utilisant précisément les euphémismes pour créer la distance émotionnelle souhaitée.
8.4 Analyser un texte littéraire
Exemple : repérez l’euphémisme dans un extrait de Hugo ou Camus, puis expliquez son effet.
9. Guide d’appropriation
- Quand l’utiliser ? Quand vous voulez adoucir l’expression d’une réalité brutale.
- Comment éviter de banaliser ? Restez en conscience du vrai sens : ne pas transformer le langage doux en camouflage évitant la critique juste.
- Importance de l’intention : l’euphémisme nécessite une démarche consciente, marquant un choix stylistique ou humain.
Conclusion
L’euphémisme est un instrument puissant de la langue française : manié avec finesse, il permet d’équilibrer véracité et pudeur, politesse et effet littéraire. À travers ses multiples visages — substitution, périphrase, expressions figées —, il révèle aussi l’évolution des sensibilités culturelles. Sa maîtrise enrichit à la fois la langue écrite et parlée.
Comparatif des figures de style : euphémisme, litote, périphrase
| Figure de style | Définition | Objectif principal | Exemple | Effet |
|---|---|---|---|---|
| Euphémisme | Atténue une réalité choquante ou désagréable en utilisant une expression plus douce. | Adoucir ou masquer une réalité choquante. | « Il nous a quittés » pour « il est mort ». | Politesse, pudeur, adoucissement. |
| Litote | Exprime moins pour suggérer davantage, par retenue ou modestie. | Suggérer plus que ce qui est dit. | « Ce n’est pas un imbécile » pour « il est intelligent ». | Subtilité, suggestion implicite. |
| Périphrase | Remplace un mot par une expression plus longue qui le décrit ou l’évoque. | Éviter la répétition ou enrichir le style. | « La Ville Lumière » pour « Paris ». | Amplification poétique ou stylistique. |
L’euphémisme en action : détourner le réel avec délicatesse
Voici des exemples rédigés pour illustrer les cas particuliers de l’euphémisme dans différents contextes :
1. La mort
- Euphémisme : « Il nous a quittés. »
- Contexte : Dans un faire-part ou un discours funéraire, cette formule évite de dire directement « il est mort », ce qui pourrait choquer ou attrister davantage l’auditoire.
2. La maladie
- Euphémisme : « Il souffre d’un léger trouble. »
- Contexte : Utilisé pour désigner une maladie mentale ou grave, afin de ne pas inquiéter ou stigmatiser la personne concernée.
3. La sexualité
- Euphémisme : « Ils ont eu une aventure. »
- Contexte : Cette expression remplace l’évocation directe d’un acte sexuel ou d’une relation extraconjugale, par souci de pudeur ou de discrétion.
4. Les fonctions corporelles
- Euphémisme : « Il est allé aux toilettes / faire ses besoins. »
- Contexte : Dans les conversations courantes ou en milieu éducatif, ce langage adouci permet d’éviter des termes considérés comme grossiers.
5. La vieillesse
- Euphémisme : « Une personne d’un certain âge. »
- Contexte : Formule souvent employée dans les médias ou les administrations pour éviter les mots « vieux » ou « âgé », parfois perçus comme péjoratifs.
6. La pauvreté
- Euphémisme : « Il est en situation difficile. »
- Contexte : Utilisé dans le langage administratif ou journalistique pour désigner la pauvreté sans employer de terme stigmatisant.
7. Le licenciement
- Euphémisme : « Réduction de personnel / plan de départ volontaire. »
- Contexte : Employé dans le discours économique ou politique pour minimiser l’impact social du terme « licenciement ».
8. La guerre et la violence
- Euphémisme : « Dégâts collatéraux. »
- Contexte : Terme militaire pour désigner les morts civiles involontaires, afin d’amoindrir la responsabilité perçue de l’armée.
9. La justice / la prison
- Euphémisme : « Centre de réinsertion. »
- Contexte : Désigne une prison dans un langage administratif, mettant l’accent sur la réhabilitation plutôt que la punition.
Souhaitez-vous que je vous propose une activité d’analyse de ces euphmismes dans des extraits littéraires ou journalistiques ?




