Checklist MUDA « Gemba → Action » : le guide terrain complet

Dans les ateliers comme dans les entrepôts, les minutes perdues s’additionnent silencieusement. Attentes au quai, trajets inutiles, contrôles doublons, ruptures de composants : les huit gaspillages du Lean — MUDA — restent la principale fuite de performance. Une checklist “une page” dédiée ne cherche pas à tout documenter ; elle vise à voir vite, décider vite, fermer vite.

Pourquoi une checklist MUDA dédiée

Pression sur les coûts, pénurie de compétences, variabilité de la demande : les organisations n’ont plus le luxe des grands programmes. Le gemba commande des outils courts et actionnables. La checklist MUDA répond à cette contrainte : un format A4, des rubriques standardisées, un indice d’impact (minutes/jour) calculé, une gravité (Rouge/Ambre/Vert) qui tranche, un responsable et une échéance. Le superflu disparaît ; ce qui reste pilote l’action du jour.

Parce que les 8 gaspillages se mélangent facilement dans la vraie vie. Une trame unique force la qualification (Surproduction, Attentes, Transports, Surprocess, Stocks, Mouvements, Défauts, Potentiel non utilisé), estime l’impact, et impose la décision : gravité R/A/V, statut, responsable, échéance. Résultat : moins de débats, plus de fermetures.

Ce que l’outil change

Fin des débats sur « à qui la faute » : la ligne force la qualification du type de MUDA, l’estimation du coût réel, et l’inscription d’une contre-mesure. La case dynamique (☐/☑) matérialise la clôture effective — pas l’intention. Alignée sur le rituel quotidien, la page soutient trois décisions nettes : supprimer un Rouge, borner un Ambre, standardiser un Vert.

Comment ça marche, en 4 étapes

Observer au poste et noter le fait mesurable : « Attente cariste 8 min au quai 2 », « Allers-retours 40 m pour bacs vides ».
Qualifier le MUDA (Surproduction, Attentes, Transports, Surprocess, Stocks, Mouvements, Défauts, Potentiel non utilisé) et estimer l’impact (temps perdu × fréquence).
Décider la gravité : Rouge si sécurité/conformité/arrêt, Ambre si important mais contrôlable, Vert si opportunité.
Agir : une action écrite au format verbe + condition + résultat, un responsable, une échéance, puis preuve ciblée sur les cas à enjeu.

Les pièges à éviter

Les formulations floues (« OK visuel ») tuent la dynamique. Les preuves partout saturent les équipes ; mieux vaut cibler dix points vitaux (sécurité, qualité critique, arrêts). Les réunions longues diluent l’attention : un rituel de 10 minutes suffit si l’ordre de lecture est clair — totaux, Rouges, Ambres.

Ce que “bon” ressemble dans un mois

Un tableau lisible en 30 secondes, un vocabulaire commun, des minutes rendues au flux visibles dans l’Indice d’impact, des récurrences divisées par deux grâce aux poka-yoke et à la mise à jour des standards. Les équipes ne cochent plus ; elles clôturent. Et la performance cesse d’être un slogan pour redevenir un résultat quotidien.

Modèle de Checklist MUDA « One Page »

Une page, un score de priorité clair, une boucle courte, des preuves ciblées et des standards mis à jour : voilà ce qui transforme la chasse aux MUDA en capacité retrouvée et en qualité stable. Quand la routine tient, les minutes cessent de s’évaporer — elles se transforment en débit, en ponctualité et en sérénité d’atelier.

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Passer du constat à l’industrialisation

L’introduction posait le cadre : voir vite, décider vite, fermer vite. La suite s’intéresse à la mécanique d’exécution qui transforme des lignes MUDA en gains durables, puis à la mise à l’échelle sans lourdeur.

1) Chaîne d’exécution en 7 étapes (boucle courte)

Capturer le fait au gemba (photo + mesure simple).
Qualifier le MUDA (liste fermée des 8) et chiffrer l’impact (min/occ × fréquence).
Prioriser avec un score (voir §2).
Affecter RACI minimal : R exécute, A tranche et valide, C conseille (Qualité/Maintenance), I est informé.
Agir sous 24–72 h (contre-mesure ferme, pas de “intention”).
Vérifier par preuve (test inverse, photo “après”).
Standardiser (mise à jour Standard Work / Kanban / poka-yoke) et archiver la ligne en Clôturé (☑).

2) Score de priorité simple et robuste

Priorité = (Impact min/j) × Coefficient Gravité + Modificateurs

Gravité : R=3, A=2, V=1.
Modificateurs (+10 chacun si vrai) : Sécurité, Client (qualité livrable), Réglementaire.
Traitement : trier décroissant ; tout Rouge passe devant quel que soit l’impact minute.

Ex. 45 min/j × A(2) + Client(+10) = 100 → à traiter aujourd’hui.

3) Convertir les minutes en euros… et en capacité

Coût direct (ordre de grandeur) : minutes/j × charge horaire.
Capacité rendue : minutes/j ÷ temps de cycle = unités/j supplémentaires.
Énergie/CO₂ : cibler d’abord Transports/Mouvements/Surproduction → gains “double effet” (coût + empreinte).

4) Trois cas concrets (avant → après)

Attentes au quai — 8 min × 6/j
Action : créneau horaire + témoin vert/rouge.
Effet : –80 % d’attentes, flux lissé, 40 min/j rendues.

Mouvements picking — 2 min × 30/j
Action : dessertes + repositionnement bacs.
Effet : –50 % de pas, fatigue ↓, erreurs ↓.

Défauts étiquetage — 1 min × 60/j + rebuts
Action : gabarit poka-yoke + calage tête.
Effet : rejets ÷3, 60 min/j supprimées.

5) Règles d’écriture qui font gagner

Verbe + condition + résultat mesurable : “Mettre gabarit — largeur A ±0,5 mm vérifiée (test étalon)”.
Une action par ligne (fermable), sinon ouvrir un A3.
Preuve ciblée uniquement sur les 10 points vitaux (sécurité, qualité critique, arrêts).

6) Standardiser sans bureaucratie

Photo standard “après” au poste (shadow board, repères couleur, repères WIP).
Ligne MUDA → Standard Work en 48 h si le gain est prouvé.
Poka-yoke avant formation : l’erreur devient physiquement difficile.
Paramètres vivants : si la même ligne bascule souvent en N/A, la supprimer ou la réécrire.

7) Rituel d’animation qui tient (10 minutes)

Lecture : Clôturé (%), Total impact (min/j), Top 3 priorités.
Décision : 1 Rouge supprimé, 1 Ambre borné (barrière compensatoire écrite), 1 Vert standardisé.
Bouclage : mise à jour Fait = Oui (☑) et preuve.
Escalade : récurrence (≥2/sem) → A3/QRQC.

8) Poka-yoke “low-cost” à fort levier

Dessertes bacs et shadow boards → Mouvements ↘.
Gabarits de réglage → Défauts ↘, SMED ↓.
Étiquettes Kanban mini/maxi visuelles → Stocks/Attentes ↘.
Témoins quai vert/rouge → Attentes/Transports ↘.

9) Gouvernance & qualité des données

Menus déroulants partout (MUDA, Statut, Gravité, Responsable) → comparabilité.
Verrou : si Statut = À traiter, Responsable et Échéance obligatoires.
Audit minute hebdo (LPA) : 5 lignes au hasard, cohérence preuve ↔ statut.

Exemples concrets (un par MUDA)

Surproduction — OF +50 u vs plan.
Action : lissage Heijunka + cap WIP (2 bacs/poste). Preuve : photo tableau plan vs réalisé.
Attentes — Pont de quai sans cariste, 8 min × 6/j.
Action : créneaux de déchargement + témoin vert/rouge quai. Preuve : planning visible.
Transports — Chariot fait 200 m au lieu de 60 m.
Action : relocaliser stockage B + marquage FIFO. Preuve : plan flux avant/après.
Surprocess — Double contrôle visuel sans valeur.
Action : passer à échantillonnage 1/20. Preuve : instruction révisée + résultat qualité.
Stocks — Rupture composants, encours stoppé.
Action : rehausse du mini + réappro auto Kanban. Preuve : étiquette Kanban mise à jour.
Mouvements — Allers-retours de 40 m pour bacs vides.
Action : dessertes au poste + repositionnement bacs. Preuve : photo poste standard.
Défauts — Étiquetage décentré, rebuts.
Action : calage tête + gabarit poka-yoke. Preuve : test étalon « bon/mauvais ».
Potentiel non utilisé — Idées Kaizen non exploitées.
Action : atelier 30 min + test sur L1. Preuve : fiche Idée clôturée.

Règles d’écriture qui évitent les “NOK sans suite”

Verbe + condition + résultat : « Mettre témoin vert/rouge + planifier créneaux » vaut mieux que « améliorer quai ».
Une action par ligne : si besoin d’un chantier, ouvrir un A3, mais garder la ligne clôturable en 24–72 h.
Preuve ciblée : seulement sur les points à fort enjeu ou récurrents.

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