Balance âgée en comptabilité — de la définition à la pratique : modèle Excel vierge et prérempli
La balance âgée (ou aged trial balance des comptes clients/fournisseurs) est l’instrument qui transforme des montants « dus » en informations « actionnables ». Elle classe les soldes par tranches d’ancienneté (0–30, 31–60, 61–90 jours, etc.) pour répondre à trois questions simples : Qui nous doit ? Depuis quand ? Et avec quel risque ?
Cet article sert de guide opérationnel, du concept aux automatismes Excel, jusqu’aux écritures de provision et au pilotage du recouvrement.
1) Ce que c’est, ce que ça n’est pas
- C’est un état de synthèse périodique qui ventile les créances (ou dettes) par échéance et ancienneté à une date de référence (fin de mois le plus souvent).
- Ce n’est pas un extrait de compte ni un relevé client : la balance âgée n’entre pas dans le détail de chaque pièce, elle aggrège par compte et par âge.
Deux usages majeurs :
- Pilotage de trésorerie et priorisation du recouvrement (comptes clients).
- Suivi du respect des conditions de paiement et négociation fournisseur (comptes fournisseurs).
2) Périmètre et conventions essentielles
- Population : comptes 411 (clients) et/ou 401 (fournisseurs).
- Date de référence : fin de période (ex. 30/09/2025).
- Point de départ de l’âge :
- le terme contractuel (date d’échéance) pour le recouvrement,
- la date de facture peut être utilisée à défaut, mais est moins pertinente si les délais contractuels varient.
- Tranches type : 0–30 j, 31–60 j, 61–90 j, 91–120 j, >120 j (adaptez à votre business).
- Signe : vérifiez et isolez les avoirs ou soldes créditeurs (risque d’interprétation faussée).
3) Structure d’une balance âgée « clients »
| Compte | Client | Total dû | Non échu | 0–30 j | 31–60 j | 61–90 j | 91–120 j | >120 j |
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| 4110001 | ACME SA | 180 000 | 60 000 | 50 000 | 35 000 | 20 000 | 10 000 | 5 000 |
| 4110002 | Atlas Industrie | 95 000 | 10 000 | 25 000 | 30 000 | 20 000 | 10 000 | 0 |
| … | … | … | … | … | … | … | … | … |
| TOTAL | … | … | … | … | … | … | … |
Lecture : à fin septembre, ACME SA vous doit 180 000 MAD, dont 35 000 MAD sont en retard depuis 31–60 jours, etc. C’est cette ventilation qui alimente vos actions de relance et vos provisions.
4) Mise en œuvre pas-à-pas (Excel/ERP)
Étape A — Préparer les données « mouvements »
- Champs indispensables : N° compte, Nom, N° pièce, Date facture, Date d’échéance, Montant TTC (ou HT si votre politique de provision est sur HT), Solde restant dû.
- Nettoyez : supprimez pièces soldées, isolez les avoirs, vérifiez les échéances manquantes.
Étape B — Calculer l’ancienneté
Dans une colonne Âge (jours) :
=MAX(0; $Date_Référence - [@Date_Échéance])
(si vous partez de la date de facture, remplacez par Date_Facture).
Étape C — Créer les buckets (tranches)
Exemple (0–30 jours) :
=SI(ET([@Âge]>=0;[@Âge]<=30);[@Solde];0)
Répétez pour 31–60, 61–90, 91–120, >120 (avec les bornes adaptées).
Astuce : utilisez SI.MULTIPLE (Excel 365) ou une table de correspondance avec RECHERCHEX.
Étape D — Agréger par compte
À partir de la table des mouvements, un Tableau croisé dynamique (TCD) ou SOMME.SI.ENS:
=SOMME.SI.ENS(Table[MONTANT_BUCKET]; Table[COMPTE]; A2)
Répétez pour chaque bucket et par compte.
Étape E — Contrôles d’intégrité
- Total mouvements = Total agrégé (tous buckets + non échus).
- Somme Non échu + Retards = Total dû.
- L’écart doit être 0 (sinon, rechercher pièces sans échéance, signes inversés, avoirs mêlés).
5) Politique de provision (pertes de valeur)
La balance âgée alimente votre estimation des pertes attendues sur les créances douteuses.
A) Approche « taux par ancienneté » (simple et robuste)
Définissez des taux de provision par bucket, basés sur votre historique :
| Tranche | Taux de provision indicatif |
|---|---|
| Non échu | 0,5 % |
| 0–30 j | 1 % |
| 31–60 j | 3 % |
| 61–90 j | 10 % |
| 91–120 j | 25 % |
| >120 j | 50–100 % (selon dossier) |
Calcul par client :
=([@Non_échu]*0,5%)+([@J0_30]*1%)+([@J31_60]*3%)+([@J61_90]*10%)+([@J91_120]*25%)+([@J120p]*50%)
Ajustez par cas (litige connu, plan de paiement signé, débiteur historique).
B) Référentiels
- IFRS 9 : pertes de crédit attendues (expected credit loss) — on documente les hypothèses, l’historique, et les facteurs prospectifs.
- Normes locales / SYSCOHADA / PCG : logique similaire via provisions pour dépréciation des créances.
C) Écritures comptables (exemple)
- Dotation à la provision (charge)
- Débit : 68174 « Dotations aux provisions pour dépréciation clients »
- Crédit : 491 « Provision pour dépréciation des comptes clients »
- Reprise (si amélioration)
- Débit : 491
- Crédit : 78174 « Reprises sur provisions pour dépréciation clients »
6) De l’état au pilotage : KPIs & tableaux de bord
Vos décisions se prennent sur des indicateurs stables, issus de la balance âgée :
- DSO (Days Sales Outstanding) :
DSO = (Créances clients / CA TTC quotidien moyen) - Taux de retard : Montants échus / Total dû.
- Poids du >90 j : mesure du risque « dur ».
- Top 10 débiteurs : concentration du risque de crédit.
- Écart vs objectif : ex. Taux de retard ≤ 18 %, >90 j ≤ 5 %.
Exemple de cadran de suivi (mensuel)
- Jauge DSO (objectif 55 j)
- Histogramme par bucket (volumes MAD)
- Pareto des 10 plus gros retards
- Courbe d’évolution du taux de retard sur 6 mois
7) Recouvrement : transformer l’analyse en action
Reliez chaque bucket à un scénario de relance :
- 0–15 j après échéance : email cordial + copie facture + lien de paiement.
- 16–30 j : appel téléphonique, confirmer un engagement daté.
- 31–60 j : lettre de relance + confirmation écrite du plan de paiement.
- >60 j : mise en demeure, blocage de nouvelles livraisons (selon politique), bascule « douteux ».
- Litiges : basculer en circuit qualité/ADV, geler la relance jusqu’à résolution.
Outils utiles : codes de statut (À relancer / Promesse / Litige / Contentieux), journal des interactions, relances automatisées (Outlook + publipostage / Power Automate / scripts ERP).
8) Cas « fournisseurs » (balance âgée des dettes)
Même logique, inversée : vous pilotez le respect des délais de paiement, optimisez l’escompte ou prévenez les pénalités. KPIs : % factures > 45 jours, montant > 90 j, litiges bloquants, prévision de sorties de trésorerie.
9) Exemples de formules Excel prêtes à copier
A) Âge en jours (en D, date de référence en H1)
=MAX(0; $H$1 - D2)
B) Bucket automatique par RECHERCHEX (table Tranches en J:K)
Table Tranches :
| LimiteSup | Libellé |
|---|---|
| 0 | Non échu |
| 30 | 0–30 j |
| 60 | 31–60 j |
| 90 | 61–90 j |
| 120 | 91–120 j |
| 10000 | >120 j |
Formule (en L2) :
=RECHERCHEX([@Âge]; Tranches[LimiteSup]; Tranches[Libellé]; ""; 1)
C) Montant par bucket (ex. 31–60 j)
=SI([@Bucket]="31–60 j"; [@Solde]; 0)
(ou via TCD : Bucket en colonnes, Solde en valeurs, Compte en lignes)
D) SOMME.SI.ENS pour reconstruire l’état par compte
=SOMME.SI.ENS(Mouvements[Montant_31_60]; Mouvements[Compte]; $A2)
E) Provision calculée par ligne (taux en table Taux Libellé/Tx)
=[@Solde] * RECHERCHEX([@Bucket]; Taux[Libellé]; Taux[Tx])
10) Qualité des données : les cinq pièges à éviter
- Échéances manquantes → mettez un garde-fou (contrôle de complétude).
- Avoirs noyés avec factures → suivez-les à part (ou bucket dédié en négatif).
- Multi-devises sans conversion → figez un taux de clôture.
- Litiges non tagués → votre DSO explose artificiellement.
- Clients inactifs non clôturés → « bruit » dans les buckets longs.
11) Gouvernance et périodicité
- Fréquence : mensuelle minimum, hebdomadaire en période tendue.
- Rôles : Comptabilité (fiabilise), ADV/Commercial (relance), Direction (arbitre et suit).
- Seuils d’alerte : fixes (MAD) et relatifs (% du CA), validés en comité cash.
- Archivage : conservez chaque version mensuelle (trend sur 12 mois).
12) Check-list d’implémentation
- Définir tranches & politique de provision
- Sécuriser les champs (échéances, soldes)
- Construire la table mouvements + buckets
- Consolider par compte (TCD ou SOMME.SI.ENS)
- Mettre les KPIs (DSO, >90 j, Top 10)
- Documenter la méthode (note de procédure)
- Lier au workflow de relance et aux écritures de provision
Balance âgée dynamique Excel — votre radar de trésorerie
À quoi ça sert (l’image la plus fidèle de votre cash)
La balance âgée est le radar des encours : elle montre qui vous doit quoi (ou ce que vous devez), et depuis combien de jours. En un coup d’œil, vous repérez les montants à l’échéance et en retard (0–30j, 31–60j, 61–90j, 91–120j, >120j) pour prioriser vos relances ou vos paiements.
Ce que vous voyez d’emblée
- Totaux clés : Encours total, Retard cumulé, % >90j.
- Ventilation par tranches d’âge (barres 0–30 / 31–60 / 61–90 / 91–120 / >120).
- Top 10 clients/fournisseurs à risque (montant en retard + ancienneté).
- Filtres rapides : société, client/fournisseur, commercial/acheteur, devise, zone.
Les onglets (simples, chacun son rôle)
- Paramètres – Vous choisissez la Date de référence (par défaut : aujourd’hui), réglez vos tranches d’âge, le seuil d’alerte (ex. >60j), et le mode Clients / Fournisseurs.
- Données – Vous collez vos écritures/échéances (export ERP ou FEC). Colonnes attendues : Tiers, N° pièce, Date facture, Échéance, Montant, Sens (débit/crédit), Règlements éventuels.
- Aging (Calculs) – Le fichier calcule Jours de retard (= Date de référence – Échéance) et classe chaque ligne dans la bonne tranche.
- Vue Clients (et Vue Fournisseurs) – Sommes par tiers, avec détail des pièces, priorisation par ancienneté.
- Tableau de bord – KPI, graphiques, slicers pour filtrer et présenter.
- Alertes & Actions – Liste prête à relancer : qui, combien, depuis quand, contact, prochaine action.
- Export – Mise en page A4/PDF propre pour envoyer au management ou à l’audit.

Comment ça s’utilise (vraiment rapide)
- Coller vos données dans l’onglet Données.
- Régler la Date de référence (ex. fin de mois).
- Vérifier/adapter les tranches d’âge (ex. 0–15–30–60–90 si vous travaillez au cycle court).
- Cliquer Actualiser (les tableaux se mettent à jour).
- Filtrer par commercial ou client et lancer vos relances depuis l’onglet Alertes.
Les petites magies sous le capot
- Aging dynamique : changez la date, tout se recalcule.
- Lettrage partiel géré : une facture partiellement réglée reste visible pour le solde.
- Multisociétés / multidevises (si vos colonnes existent) : agrégation + indicateur de devise.
- Seuils d’alerte personnalisables (ex. mettre en avant tout >60j ou >90j).
- Graphiques qui s’adaptent aux filtres (par client, secteur, zone).
Exemples d’usage concrets
- Relance du mardi : filtrer >30j, trier par montant, noter prochaine action et date.
- Clôture mensuelle : fixer la date au dernier jour du mois, exporter le PDF, archiver.
- Négociation d’escompte : repérer les gros montants à l’échéance J+0/J+15 et agir.
- Prévision de trésorerie : lire les tranches 0–30 & 31–60 pour anticiper vos encaissements.
Astuces qui font gagner du temps
- Nettoyer les doublons (même N° pièce, même montant) avant collage.
- Échéance manquante ? Utilisez Date facture + conditions de paiement pour la reconstituer.
- Avoirs : conservez le signe (–) et liez-les au client concerné pour un solde juste.
- Étiquettes “Litige” : ajouter une colonne Statut (Normal/Litige/Contentieux) pour séparer le curatif du contentieux.
Personnalisations possibles (quand vous voudrez)
- Tranches d’âge adaptées à votre business (ex. 0–15–30–45–60).
- Colonnes contact (email, téléphone) pour relance directe.
- Marquage IFRS 9 / provisions (taux par tranche) si besoin.
- Vue fournisseurs dédiée au pilotage des paiements (escompte, respect échéances).
- Automatisation : import d’un CSV/ERP, export PDF planifié.










