Lecture Analytique de « Une Charogne » – Charles Baudelaire
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Charles Baudelaire, poète majeur du XIXe siècle, publie en 1857 Les Fleurs du mal, recueil controversé mêlant beauté et décadence. Dans la section Spleen et Idéal, il cherche à transcender le réel, même le plus sordide, par la puissance poétique. Le poème « Une Charogne » en est l’illustration la plus frappante : en décrivant la décomposition d’un cadavre animal rencontré lors d’une promenade amoureuse, Baudelaire défie les codes du bon goût pour transformer l’horreur en œuvre d’art.
Nous nous demanderons comment cette description choquante devient une réflexion sur l’amour, le temps et le pouvoir de la poésie. Pour cela, nous analyserons dans un premier temps la violence réaliste du poème, avant d’en dégager la portée symbolique et esthétique.
📝 Fiche Méthodologique et Approche d’Analyse
I. Introduction : Situer le texte
📌 Contexte littéraire
« Une Charogne » est le 29e poème de la première section Spleen et Idéal dans Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, publié en 1857. Cette œuvre a fait scandale à sa sortie pour son traitement audacieux de thèmes morbides et sensuels.
Objectif du poème
Baudelaire y propose une métaphore provocante entre la décomposition d’un cadavre animal et la destinée charnelle humaine, tout en abordant l’art comme moyen d’immortalisation.
II. Fiche Méthode – Lecture Analytique
1. Introduction de l’analyse
- Présenter le poème (titre, auteur, recueil, date)
- Contexte de l’extrait (position dans le recueil, ton, style)
- Problématique possible : Comment Baudelaire transforme-t-il une scène choquante en une réflexion poétique et esthétique ?
- Annonce du plan : deux ou trois axes selon le passage étudié
2. Développement analytique
Axe 1 : Une description choquante et sensorielle du réel
- Lexique de la décomposition, de la putréfaction
- Présence de tous les sens : odorat, vue, ouïe
- Réalisme poussé à l’extrême → effet de malaise volontaire
Axe 2 : Une esthétique du macabre
- Usage de la métaphore filée (le cadavre comme “fleur du mal”)
- Contraste entre la violence du réel et la beauté formelle du vers
- Référence aux beaux-arts (peinture, sculpture), transfiguration poétique
Axe 3 : La mission du poète face à la mort
- Interpellation directe de la femme aimée → “Et pourtant vous serez semblable à cette ordure”
- Fonction mémorielle et artistique de la poésie : fixer l’éphémère
- Le poète comme créateur d’éternité
3. Conclusion
- Résumer l’articulation : du réel macabre à la sublimation poétique
- Réaffirmer la fonction de l’art chez Baudelaire : il récupère la laideur pour en faire une matière esthétique
- Ouverture possible : lien avec d’autres poèmes de Les Fleurs du mal (ex. : « L’Héautontimorouménos » ou « Le Vampire »)
III. Conseils pratiques pour l’oral ou l’écrit
- Lisez à haute voix le texte pour saisir son rythme et ses dissonances
- Appuyez-vous sur des citations précises et analysez le lexique
- Ne jugez pas le texte : interprétez sans moraliser
- Structurez votre propos selon les axes de lecture annoncés
Voici la suite de l’article, destinée à approfondir la réflexion critique et à guider l’élève dans la comparaison et l’appropriation du texte à travers des outils pédagogiques :
IV. Approfondir la lecture : pistes de réflexion comparée
🔄 1. Comparaison avec d’autres textes poétiques
- Victor Hugo – “À Villequier” : contraste frappant entre le traitement de la mort chez Hugo (mélancolique, religieux) et chez Baudelaire (cru, esthétique, païen).
- Arthur Rimbaud – “Une saison en enfer” : même rapport ambigu à la beauté et au dégoût, à l’art et à la déchéance.
- Paul Verlaine – “Il pleure dans mon cœur” : exemple d’un autre traitement du spleen, mais plus musical et mélancolique que brutal et charnel.
2. Lecture iconographique
Baudelaire s’inspire de l’imagerie picturale (il était critique d’art). On peut comparer le poème à :
- Des vanités baroques (nature morte avec crânes, sabliers, fleurs fanées)
- Des œuvres de Goya, Caravage, ou Soutine (usage du grotesque, de la décomposition)
V. Fiche d’entrainement élève (à compléter)
| Élément | Analyse personnelle |
|---|---|
| Lexique de la mort | (ex. : “gonflée”, “empestait”, “vermine”) |
| Figures de style principales | Métaphore, allégorie, personnification… |
| Sens du texte | Ce que le poème dit de la condition humaine |
| Réaction personnelle | Malaise ? Admiration ? Incompréhension ? |
| Ouverture possible | Vers un autre poème, thème, ou art visuel |
VI. Bilan pédagogique
👉 « Une Charogne » est un poème exigeant mais formateur :
- Il force à dépasser ses premières impressions de dégoût
- Il invite à repenser la beauté dans l’art
- Il constitue un outil puissant pour apprendre à analyser le langage poétique au-delà du contenu narratif
À retenir : chez Baudelaire, la poésie est un acte de transfiguration du réel, même dans sa version la plus sordide.


Ci-après plusieurs exemples de paragraphes de développement rédigés, correspondant à des axes d’analyse littéraire pour le poème « Une Charogne » de Charles Baudelaire. Ces paragraphes pourraient être directement intégrés dans une lecture analytique ou un commentaire rédigé.
🧩 Exemple de développement – Axe 1 : Une description réaliste et choquante du cadavre
Dès les premiers vers, Baudelaire adopte un ton cru, presque clinique, pour décrire la scène de putréfaction. Le vocabulaire employé — « ventre gonflé », « exhalait une puanteur » — sollicite tous les sens du lecteur, en particulier l’odorat et la vue. Le réalisme brutal de cette description est accentué par des verbes d’action comme « ouvrait », « suintait » et « grouillait », qui donnent l’impression que le cadavre est encore en mouvement. En cela, le poème choque par sa matérialité, mais il ne s’agit pas de gratuité : cette violence sensorielle sert à confronter le lecteur à la réalité inéluctable de la mort physique, un thème central du recueil.
🎨 Exemple de développement – Axe 2 : Une esthétique du macabre
Malgré l’horreur du sujet, Baudelaire construit une forme poétique élégante et rigoureusement maîtrisée. Le poème est composé d’alexandrins réguliers, avec des rimes croisées, qui confèrent à cette scène répugnante une beauté rythmique presque hypnotique. Par ailleurs, Baudelaire compare la charogne à une œuvre d’art vivante : « Et le ciel regardait la carcasse superbe / Comme une fleur s’épanouir ». Ce retournement esthétique, où la pourriture devient objet de contemplation poétique, illustre son idéal : transformer le mal, la laideur, en art. Cette transfiguration rappelle les tableaux de vanités baroques, où la mort est sublimée pour rappeler l’impermanence de la vie.
🧠 Exemple de développement – Axe 3 : La fonction immortalisante de la poésie
L’un des passages les plus puissants du poème intervient lorsque le poète s’adresse directement à sa bien-aimée : « Et pourtant vous serez semblable à cette ordure ». Ce vers brutal rompt l’apparente distance narrative et révèle l’intention profonde de Baudelaire : rappeler à l’être aimé que la chair est périssable. Cependant, loin d’être uniquement provocateur, ce passage est suivi d’une promesse : celle de l’immortalité par la poésie. Le poète affirme que, grâce à ses vers, il conservera l’essence de l’aimée au-delà de la mort physique. La poésie devient ainsi un tombeau symbolique, plus durable que la chair, capable de défier le temps.
Méthode Générale de la Lecture Analytique
🔍 Qu’est-ce qu’une lecture analytique ?
La lecture analytique est une méthode d’analyse littéraire visant à expliquer en profondeur un texte littéraire (poème, roman, théâtre) en mettant en lumière sa structure, ses procédés d’écriture, et ses effets sur le lecteur. Elle permet d’articuler une compréhension fine du texte avec une interprétation personnelle et argumentée.
🧭 Les étapes de la lecture analytique
1. Introduction (accroche, contextualisation, problématique)
- Présentez l’auteur, l’œuvre, le genre, le contexte historique ou littéraire.
- Résumez brièvement la situation ou le passage étudié.
- Posez une problématique claire, qui oriente la lecture : Que cherche à faire l’auteur à travers ce passage ?
- Annoncez un plan en deux ou trois axes, logiques et progressifs.
2. Développement structuré en axes
Chaque axe de lecture doit s’appuyer sur :
- Une idée principale clairement exprimée
- Des citations précises du texte
- Une analyse des procédés littéraires : figures de style, rythme, ponctuation, champs lexicaux, registres…
- Une interprétation : Quel effet produit cette écriture ? Quel message transmet l’auteur ?
Exemples d’axes possibles :
- La représentation d’un personnage
- L’expression des émotions
- Le rôle du narrateur
- L’esthétique d’un passage (beauté, horreur, ironie…)
- La critique sociale ou morale
3. Conclusion
- Récapitulez les points essentiels de l’analyse.
- Répondez clairement à la problématique.
- Ouvrez éventuellement sur un autre aspect du texte, de l’œuvre ou un autre texte du même auteur.
Conseils pratiques
- Restez fidèle au texte : appuyez vos idées sur des éléments concrets.
- Soyez précis et rigoureux dans l’analyse des procédés.
- Variez le vocabulaire : utilisez un lexique littéraire adapté (ex. : hyperbole, anaphore, gradation, symbolique…).
- Structurez votre propos : chaque paragraphe développe une idée et s’ouvre par une phrase thématique.
📄 Format type de lecture analytique (fiche à retenir)
| Partie | Contenu attendu |
|---|---|
| Introduction | Auteur, œuvre, situation, problématique, plan |
| Axe 1 | Idée + procédés + citations + interprétation |
| Axe 2 | Idée + procédés + citations + interprétation |
| (Axe 3) | Facultatif – approfondissement |
| Conclusion | Bilan + réponse à la problématique + ouverture |








