Le commentaire composé est un exercice littéraire qui consiste à analyser un texte en respectant une démarche structurée. Voici un exemple corrigé qui illustre les attentes pour ce type de travail.
Texte étudié
Extrait de Candide de Voltaire, chapitre 19 : « Le nègre de Surinam ».
Introduction
Amorce
Voltaire, l’un des principaux philosophes des Lumières, dénonce dans Candide les injustices et les cruautés de son époque. Le chapitre 19, qui contient la célèbre scène du nègre de Surinam, illustre avec force la critique de l’esclavage.
Présentation du texte
Dans cet extrait, le personnage de Candide rencontre un esclave mutilé, dont le témoignage poignant met en lumière l’horreur des pratiques coloniales et l’hypocrisie des sociétés occidentales.
Problématique
Comment Voltaire dénonce-t-il les injustices de l’esclavage tout en s’attaquant à l’optimisme aveugle de son époque ?
Annonce du plan
Nous analyserons d’abord la mise en scène pathétique de la souffrance de l’esclave, puis nous étudierons la critique implicite des institutions responsables.
I. Une scène pathétique et révoltante
1. La description physique de l’esclave
Voltaire dresse un portrait saisissant et brutal. L’esclave est présenté comme une victime mutilée : « la main droite coupée » et « la jambe gauche perdue ». Cette description est visuelle et choque immédiatement le lecteur, suscitant pitié et indignation.
2. Le témoignage poignant de l’esclave
Le discours de l’esclave est marqué par la simplicité et la sincérité : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. » La juxtaposition entre le luxe du sucre et les souffrances inhumaines renforce l’impact de la dénonciation.
3. Le registre pathétique
Le choix des détails cruels et l’utilisation de termes tels que « horrible », « misérable » ou encore « malheureux » amplifient la compassion du lecteur. Voltaire place ainsi l’esclave au centre du récit, rendant sa douleur universelle.
II. Une critique des institutions et de l’optimisme
1. Une attaque contre la société coloniale
Voltaire montre l’inhumanité du commerce triangulaire et de l’esclavage. La phrase « C’est à ce prix… » résume l’hypocrisie de l’Europe, qui justifie ces pratiques pour des gains matériels.
2. La dénonciation des religions
Voltaire critique implicitement les religions complices de ces injustices. L’évocation de l’esclave chrétien (« baptisé ») souligne le paradoxe entre les valeurs prônées par la religion et les actes des colons.
3. Un rappel de la critique de l’optimisme
Enfin, l’extrait illustre l’échec de l’optimisme de Leibniz, incarné par Pangloss. La souffrance de l’esclave contredit l’idée que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». Voltaire invite ainsi à une réflexion critique sur la réalité.
Conclusion
Bilan
Cet extrait de Candide est une dénonciation poignante de l’esclavage et des injustices de la société coloniale. Par la mise en scène pathétique de l’esclave et la critique des institutions, Voltaire appelle le lecteur à la prise de conscience et à l’indignation.
Ouverture
Cette critique des inégalités reste d’actualité dans le monde contemporain, où d’autres formes d’exploitation persistent. Voltaire nous rappelle la nécessité de remettre en question les discours justifiant ces injustices.
Une autre méthode pour rédiger un commentaire composé
Le commentaire composé peut être abordé selon diverses approches méthodologiques. Une alternative à la méthode classique présentée plus haut repose sur une analyse en axes thématiques et non en plan “linéaire”. Cette méthode valorise les idées fortes du texte en regroupant les observations autour de grands thèmes ou notions.
1. Étape préparatoire : Comprendre et analyser le texte
Avant toute rédaction, il est essentiel de :
Lire attentivement le texte plusieurs fois pour en saisir le sens global.
Identifier les idées principales et les intentions de l’auteur.
Repérer les éléments stylistiques : figures de style, choix lexicaux, structure du texte, etc.
Poser une problématique : quelle est l’idée centrale ou la visée du texte ? Quelles thématiques ou oppositions le texte explore-t-il ?
2. Structure de la méthode thématique
Introduction
Amorce : Une phrase générale pour contextualiser (l’auteur, l’œuvre, le mouvement littéraire, ou une problématique universelle liée au texte).
Présentation du texte : Résumez brièvement le contenu du texte et son enjeu principal.
Problématique : Soulevez une question qui guide l’analyse (ex. : « Comment l’auteur parvient-il à exprimer l’idée de… ? »).
Annonce des axes : Présentez vos deux ou trois grands axes thématiques.
Développement
Organisez votre développement autour des thèmes principaux dégagés lors de l’analyse préparatoire. Chaque partie développe un axe précis.
Exemple d’Axes Thématiques
Le thème 1 : Une vision du bonheur idéalisé
Analysez comment l’auteur représente une vision particulière du bonheur (ex. : une description poétique ou idyllique).
Étayez avec des citations : repérez les métaphores, les hyperboles ou les figures d’harmonie.
Posez des limites : le bonheur est-il complet ou trompeur ?
Le thème 2 : Une critique sociale ou morale
Soulignez les éléments qui permettent à l’auteur de dénoncer une réalité (ex. : ironie, satire, opposition de registres).
Analysez les champs lexicaux (ex. : vocabulaire péjoratif ou termes paradoxaux).
Discutez l’intention sous-jacente : l’auteur cherche-t-il à provoquer une prise de conscience ?
Le thème 3 : Une réflexion sur l’existence humaine
Montrez comment le texte évoque des questions universelles (souffrance, bonheur, liberté, fatalité…).
Analysez les choix narratifs ou stylistiques qui soutiennent cette réflexion.
Conclusion
Bilan : Récapitulez les idées principales dégagées dans les axes.
Réponse à la problématique : Formulez une réponse synthétique et réfléchie à la question initiale.
Ouverture : Élargissez la réflexion à une autre œuvre, à une thématique actuelle ou à une problématique universelle.
3. Exemple appliqué
Prenons un poème de Baudelaire, L’Albatros (Les Fleurs du Mal), et développons deux grands axes thématiques.
Introduction
Amorce : Baudelaire, poète du mal-être, explore dans Les Fleurs du Mal des thèmes tels que la condition humaine et la recherche de l’idéal.
Présentation du texte : Dans L’Albatros, il compare le sort d’un oiseau majestueux en vol à celui du poète, incompris et humilié sur terre.
Problématique : Comment Baudelaire utilise-t-il l’albatros comme métaphore de la condition du poète ?
Axes : 1) L’opposition entre grandeur et humiliation, 2) Une allégorie du poète dans un monde hostile.
Développement
I. Une opposition entre grandeur et humiliation
Description des contrastes dans les strophes : la majesté de l’oiseau dans le ciel (champs lexicaux de la puissance et de la liberté) face à sa maladresse sur le pont (termes péjoratifs : « gauche », « honteux »).
Effet stylistique : contraste saisissant entre l’ampleur des vers et la chute brutale de l’albatros, symbolisant la déchéance.
II. Une allégorie de la condition du poète
L’albatros comme double du poète : un être supérieur, à l’aise dans l’idéal (ciel) mais incompris et moqué dans la réalité terrestre.
Critique implicite de la société : celle-ci rabaisse le poète, incapable de comprendre son rôle ou sa grandeur.
Conclusion
Bilan : Baudelaire met en lumière la dualité de la condition du poète, à la fois sublime et tragique, par le biais de la figure de l’albatros.
Ouverture : Cette réflexion résonne avec d’autres œuvres où la société incomprise rejette l’artiste, comme La Vie antérieure du même auteur.
4. Avantages de cette méthode
Flexibilité : Les axes thématiques permettent d’approfondir les idées sans être limité par une analyse linéaire.
Adaptabilité : Convient particulièrement pour les textes poétiques ou philosophiques, où les thématiques prédominent sur la structure narrative.
Richesse analytique : Favorise une lecture transversale, en exploitant les liens entre thèmes, figures de style et intentions de l’auteur.
Exemple de commentaire composé corrigé : Analyse d’un extrait du début de Madame Bovary de Gustave Flaubert
Texte étudié : Début du roman (portrait de Charles Bovary, chapitre 1)
Introduction
Amorce
Dans Madame Bovary, Gustave Flaubert s’attache à dépeindre avec minutie la banalité et les désillusions de la vie provinciale au XIXᵉ siècle. Dès le début du roman, l’auteur installe son projet réaliste en présentant Charles Bovary, un personnage ordinaire et maladroit.
Présentation du texte
L’extrait étudié est tiré des premières pages de l’œuvre et se concentre sur l’enfance et les débuts de Charles Bovary à l’école. À travers ce portrait initial, Flaubert esquisse le caractère du personnage tout en posant les bases de son esthétique réaliste.
Problématique
Comment Flaubert parvient-il à mêler réalisme et ironie pour introduire son personnage et critiquer la médiocrité sociale ?
Annonce du plan
Nous montrerons tout d’abord comment Flaubert construit un portrait réaliste et précis de Charles, avant d’analyser l’ironie et la critique sociale sous-jacentes.
I. Un portrait réaliste et précis
1. Une description détaillée
Flaubert décrit minutieusement l’apparence de Charles : son « bonnet de soie noir » mal ajusté, ses « chaussures épaisses mal cirées ». Ces détails concrets incarnent le projet réaliste de l’auteur, qui cherche à représenter la réalité telle qu’elle est.
Le texte adopte une écriture impersonnelle, renforçant l’objectivité du récit. Les adjectifs utilisés, tels que « gauche » et « malhabile », insistent sur la médiocrité du personnage.
2. Un caractère terne dès l’enfance
Flaubert insiste sur la banalité de Charles : « il était un garçon de la campagne, un peu lourdaud ». Le vocabulaire familier (« lourdaud », « pataud ») renforce son absence de singularité.
L’incapacité de Charles à s’intégrer à l’école (« on se moquait de lui ») préfigure son manque d’assurance et son rôle d’homme dominé dans le reste du roman.
3. Un regard documentaire
L’auteur évoque le milieu social de Charles à travers des détails concrets, comme les vêtements et les comportements, qui reflètent son appartenance à une petite bourgeoisie rurale. Flaubert peint ici une fresque sociale fidèle au contexte provincial.
II. Une critique ironique et sociale
1. L’ironie de Flaubert
Le texte est traversé par une ironie subtile : Flaubert ne se contente pas de décrire Charles, il souligne son insignifiance. Par exemple, la scène du bonnet mal porté est racontée avec un ton moqueur, transformant un détail anodin en symbole de maladresse.
L’emploi du discours indirect libre permet à l’auteur de glisser des jugements implicites sur son personnage, tout en gardant une distance apparente.
2. Une médiocrité généralisée
Charles n’est pas seulement un individu terne : il incarne une certaine médiocrité de la société provinciale. Son éducation « bâclée » et son incapacité à exceller reflètent les limites du monde rural décrit par Flaubert.
Les figures d’autorité (enseignants, parents) sont elles-mêmes caricaturées. Par exemple, la mère de Charles est décrite comme possessive et aveugle à la réalité, ce qui accentue le ton critique.
3. Une mise en place du contraste avec Emma
Ce portrait banal de Charles prépare le contraste avec Emma, personnage idéalisant la grandeur et l’exception. La banalité de Charles mettra en relief les aspirations romantiques et les frustrations de son épouse, rendant le drame inévitable.
Conclusion
Bilan
Ce portrait introductif de Charles Bovary reflète l’esthétique réaliste de Flaubert, qui s’appuie sur des descriptions précises et des observations sociales fines. À travers l’ironie, l’auteur critique non seulement son personnage, mais aussi la société provinciale dans son ensemble.
Ouverture
Cette représentation d’un homme médiocre annonce les désillusions du roman, où la quête de grandeur d’Emma s’opposera à la monotonie de son entourage. Cette critique sociale trouve un écho dans d’autres œuvres réalistes comme Les Illusions Perdues de Balzac, où la province est également dépeinte comme un lieu de stagnation.
Commentaire : Points forts de cette méthode
Simplicité et clarté : L’analyse suit un déroulé progressif, partant de l’observation des faits pour aller vers leur interprétation critique.
Insistance sur le réalisme : Le commentaire met en valeur l’un des traits stylistiques majeurs de Flaubert.
Lien avec l’œuvre globale : Chaque idée est connectée aux enjeux plus larges du roman, ce qui montre une compréhension approfondie.
Ce type de structure peut s’adapter à de nombreux textes réalistes ou d’autres genres, tout en restant rigoureux.